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Abstract |
Enfances altaïques : la fabrique des hommes en Asie intérieure
Coordinateur : Carole Ferret,
Les enfants, « petits sujets » dans tous les sens du terme, sont « les grands absents de l'entreprise anthropologique » (Lenclud 2003 ; cf. Lallemand & Le Moal 1981). C’est particulièrement vrai en Asie intérieure, dans une vaste aire culturelle qui va de la Sibérie orientale à l’Asie centrale.
Et pourtant, en faisant de leurs petits des hommes, en leur modelant, consciemment ou non, le corps et l’esprit, en les intégrant au groupe, les membres de chaque société révèlent de façon privilégiée leurs conceptions de l’humanité, ainsi que la spécificité de leurs manières d’être et de faire. En permettant leur transmission et leur reproduction, l’éducation nous dévoile les modèles d’action ayant cours dans chacune de ces sociétés et nous montre à quel point l’étude de l’enfance peut s’avérer précieuse pour l’anthropologie.
Nous tenterons, dans cet atelier, d’examiner diverses facettes de la fabrique des hommes en Asie intérieure. L’enfance s’y divise en plusieurs âges, plusieurs étapes nettement discriminées, éventuellement marquées par des rites particuliers, où le statut des enfants, le traitement dont ils font l’objet et le comportement attendu de leur part varient parfois du tout au tout.
Chez les peuples altaïques (qu’ils soient turks comme les Kazakhs et les Iakoutes, mongols, ou toungouzes comme les Evens et les Evenks), on observe à la fois un souci jaloux de protéger les plus jeunes des influences néfastes (par divers procédés tels que résidence hors de la famille, port d'amulettes, travestissement, attribution de noms péjoratifs apotropaïques) ; une grande liberté laissée aux enfants (dans leurs mouvements, leurs repas, l’emploi de leurs temps) ; un dressage précoce du corps ; un apprentissage des savoir-faire permettant une participation active aux tâches quotidiennes, dosée en fonction de l’âge et du sexe ; une éducation familiale informelle, par l’incorporation des gestes et des pratiques convenables ; mais aussi une scolarisation généralisée et uniformisée sous le régime soviétique.
Nous verrons, d’après nos recherches de terrain menées récemment, quels changements a pu apporter la transition postsovétique dans les manières de concevoir et d’éduquer les enfants.
Nous avons adopté au départ le point de vue de l’adulte éducateur de l’enfant, car nous considérons la relation éducative comme réciproque, mais fondamentalement assymétrique. Cependant, nous ne négligerons pas de nous intéresser également, en opérant un renversement de perspective, au point de vue des enfants, dépositaires d’une culture propre et acteurs de leur propre humanisation.
Carole Ferret
Rites de la petite enfance et ambivalence du statut de l'enfant chez les Iakoutes
Nous examinerons certains rites et usages liés à la naissance et à la petite enfance chez les Iakoutes, peuple pasteur de la taïga, tels qu'ils ont été décrits dans la littérature ethnographique des XIXe et XXe siècles, et tels qu'ils se pratiquent de nos jours, depuis que les accouchements ont lieu à la maternité et que les bébés sont munis de parcs et de youpalas. Nous essaierons de comprendre toute l'ambivalence du statut du nourrisson, qui n'est pas encore considéré comme un être humain à part entière, qu'il convient à tout prix de soustraire aux mauvais esprits, esprits dont il est proche, qui cherchent à le ravir mais qui, paradoxalement, le craignent aussi. Il s'avère donc que le jeune enfant est à la fois protégé et protecteur.
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