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Abstract |
Prônant une anthropologie de l’action qui s’intéresse aux modes opératoires – et donc, pour le thème du colloque, davantage aux usages des êtres vivants qu’aux représentations de la vie –, je discuterai la notion d’outil vivant, qui comble le fossé entre artefacts et êtres vivants en combinant les caractéristiques des premiers et des seconds. En effet, l’action menée à l’aide d’un « outil vivant », est une manipulation qui relève du faire faire et exploite la capacité d’agir de l’être vivant. Son efficacité est directement liée à la qualité d’être vivant de l’objet manipulé. Un immense champ d’investigation s’est ouvert ici avec le développement des biotechnologies, qui mettent précisément à profit les propriétés biochimiques d'êtres vivants dans l’agriculture, la santé ou l’industrie.
J’examinerai dans quelle mesure cette notion d’outil vivant peut s’appliquer à certaines utilisations d’animaux domestiques en Sibérie et Asie centrale (reproduction du bétail, techniques de contrôle de la mobilité des troupeaux, équitation). S’il est un domaine où est abolie la distinction entre artefact et être vivant, c’est bien l’élevage, dont la finalité est précisément de faire vivre, croître et se reproduire le bétail. Le cheval, en tant que monture, est à la fois un artefact, produit de l’action domesticatoire, et un être vivant, doué d’initiative. Il peut tourner, franchir un obstacle ou retrouver le chemin de la maison sans indication de la part de son cavalier. Cette spécificité essentielle à son exploitation n’interdit nullement d’adopter, pour son étude, un point de vue strictement anthropocentré, délibérément asymétrique, qui va à contrecourant du discours actuellement dominant, mais reste, selon moi, une condition nécessaire à l’exercice de l’anthropologie, en tant que science humaine nourrie des interprétations subjectives des acteurs.
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